Où étiez-vous quand il fallait être là ? En train de griller une clope ?
J'ai déjà donné mon avis sur la question de la clope, mais les récents débats en vue de la votation de février à Piogre n'en demeurent pas moins agaçants, tant du côté du constructivisme que de celui de ses inconséquents adversaires.
Ainsi, le GHI du jour nous fait sa une sur « Ces citoyens qui refusent de bannir le tabac ». Concrètement, des messieurs du PRD et du parti « libéral » qui se scandalisent de la menace pour les libertés que constituerait l'interdiction de la clope dans les « lieux publics » (lieux privés ouverts au public, précisons-le tout de même), avançant que finalement, trois morts par an dûs à la fumée passive dans la République, ce n'est pas si grave, qu'on veut tout hygiéniser, que fumer un truc toxique c'est cool parce que faut bien prendre des risques dans la vie et mourir tôt pour pas finir en petit vieux, etc.
Bref, des arguments qui n'ont strictement rien à faire dans le débat. Faut bien mourir de quelque chose, certes, mais personne n'interdit à ces messieurs de se suicider la quarantaine passée ou de faire du saut à l'élastique sans élastique si la vie leur fait chier au point que se remplir les poumons de goudron leur semble la façon la plus simple de la raccourcir. Paranthèse fermée, puisque ce commentaire n'a rien à faire dans le débat en tant que tel non plus, puisqu'on parle de politique, de lois et donc de la question de l'usage de la force policière, pas des conseils pour bien vivre (ou pas).
Le vrai débat est : cette façon de lutter contre le tabac est-elle légitime ou non ? S'il y a tant de gens qui sont favorables à l'initative, pourquoi les lieux non-fumeurs ne dominent-ils pas le marché depuis longtemps ? Est-ce un « échec de marché » ? Est-ce dû à la difficulté d'ouvrir de nouveaux bars ou restaurants à Piogre (autorisations, crise du logement, impôts, réglementations, etc.), difficulté dont l'État est responsable, qui créerait suffisamment de rigidités sur le marché pour empêcher un ajustement plus rapide à l'évolution des mentalités ?
Dans tous les cas, comment prendre les arguments en terme de liberté individuelle au sérieux quand ils viennent de gens issus notamment du parti « libéral », dont le président est l'adversaire n° 1 de la légalisation du cannabis ? Dans un pays où je ne suis pas autorisé à fumer, sniffer ou m'injecter ce que je veux tout seul chez moi, où même les FDD ont la bénédiction du Prince pour aller fouiller dans la bouche et le cul des gens pour chercher des produits à voler, comment peut-on honnêtement se scandaliser qu'on veuille désormais simplement obliger certains lieux à devenir non-fumeurs ? Où étaient ces messieurs soudain si inquiets de l'hygiénisme ambiant quand il s'agissait de soutenir la révision de la LStup ? Où étaient-ils quand il s'agissait de s'opposer à toutes les autres lois et règlements qui concernent des lieux privés ouverts au public, toutes les lois sur le travail par exemple ? Si je suis obligé de prévoir une assurance pour mes employés, des vacances payées, leur faire porter le casque, ne pas les faire travailler trop d'heures, etc, etc, pourquoi devrais-je être autorisé à les faire travailler dans un air qui empoisonnera leurs poumons ?
Je ne vois donc pas grand chose comme argument de fond qu'on puisse opposer spécifiquement à cette loi. Ces messieurs peuvent défendre l'incohérence, certes, mais faudra pas s'étonner de perdre la votation après.
Par Turion, sous Clope, le 2008-01-31