Avortement : la fin du libre choix ?
Dans le très catholique Valais, certains hôpitaux et certains médécins refusent de pratiquer l'avortement. Selon toute logique "pro-choice", cela devrait être leur droit le plus strict. Pourtant, les pro-avortement, oui ceux-là même qui clamaient qu'on ne peut imposer à une femme de mener une grossesse à terme, et bien ceux-là même veulent désormais imposer aux médecins l'obligation de pratiquer la grossesse. L'incohérence des centristes n'a rien de nouveau.
La cohérence des conservateurs m'a par contre surpris. Au même moment où j'étais dégoûté de l'incohérence des pro-avortement, je découvrais la cohérence des anti, qui retrouvaient ainsi ma sympathie, que leur fanatisme leur avait fait perdre auparavant. En effet, les mêmes anti-avortement ont adopté une position non plus anti-choix et pro-vie, mais une position authentiquement pro-choix et pro-vie. Leur logique est la suivante : la vie est sacrée et doit être préservée. Mais la liberté de la femme d'élever ou non son enfant doit aussi être respectée. Les anti-avortement ont donc installé des "baby-fenster", c'est à dire des endroits où une femme peut déposer un bébé dont elle ne veut pas, l'hôpital en prenant alors soin.
Or, visiblement, cela déplaît aux "pro-choice", lesquels deviennent tout à coup très "anti-choice" : d'après leur incohérente logique, une femme doit certes avoir la possibilité de se débarrasser de son bébé, mais uniquement dans un délai limité (ah si ils sont cohérents avec leur "solution des délais"), de fait tant que le bébé n'est pas encore né et donc tant que la séparation d'avec la mère entraîne l'interruption de la vie du foetus. Allez comprendre.
Remarquons au passage que même ces baby-fenster ne sont qu'une solution de remplacement à une véritable possibilité d'accouchement sous X, laquelle existe pourtant même en France! Aussi bien l'accouchement sous X que le fait de déposer son enfant dans une baby-fenster (mais pas le fait d'ouvrir une baby-fenster! merci à la loi suisse pour sa cohérence sans faille!) sont de fait illégaux en Suisse.
Voilà toute la difficulté à voter d'une manière morale : les conséquences deviennent imprévisibles, et souvent les deux possibilités peuvent avoir des conséquences anti-libérales. Et après on s'étonne qu'il y ait de plus en plus d'abstention. Vu l'évolution de la démocratie vers une sorte de pseudo-démocratie à base de pseudo-choix, on ne peut que se réjouir de cette moralisation de l'humanité : si un plus grand nombre de gens décide de ne pas restreindre les libertés de son prochain en ne votant pas, d'un point de vue moral il me semble que c'est tout à fait compréhensible.
Par Turion, sous Droit, Démocratie, le 2002-10-04