Propriété intellectuelle de la musique : quelques réflexions
Capital (l'émission de M6 donc, pas le livre du barbu) sur le "piratage" de musique, avec une intéressante interview de deux mecs d'IAM.
Avant tout, l'interview a très bien montré l'absurdité de la qualification de "vol" pour ce qui est de la copie. Outre le fait que la notion de vol implique la soustraction de quelque chose, et donc n'a rien à voir avec la copie de quelque chose, les deux mecs d'IAM admettaient, tout en étant "victimes" de la copie de musique, la pratiquer également. On imaginerait mal des propriétaires de villas cambriolées dire dans une interview que "ben oui, c'est pas cool de se faire cambrioler, mais nous on le fait aussi des fois, c'est vrai". La comparaison entre la copie et le vol ne tient donc pas.
On apprend également dans l'émission qu'aux USA, les majors ont décidé de baisser les prix de 30%, ce qui est déjà pas mal! Interrogé sur la question, le PDG de Universal Music France (je crois que c'était ça) répond que non, il va pas faire la même chose en France (ou en Europe j'imagine) parce que, eh voilà, ya moins de clients pour la musique en France... Raisonnement certes intéressant, mais qui ne s'applique qu'à la production de musique française, achetée par des français. Je vois mal en quoi un CD d'Eminem vendu en France serait (ou devrait être) différent d'un CD d'Eminem vendu aux USA. Par conséquent, si le CD d'Eminem baisse de 30% aux USA, il devrait aussi baisser logiquement de 30% en France, même si le prix d'un album de Renaud resterait le même car il ne se vendrait en gros qu'en France.
D'ailleurs, je me demande bien pourquoi une baisse aussi significative du prix aux USA ne se répercute pas en Europe, simplement par le fait de marchands achetant les CDs moins cher aux USA pour les revendre en Europe. Si ce n'est pas le cas, c'est qu'il doit probablement y avoir une limitation au libre marché quelque part, par exemple interdiction des marchés parallèles, forme de monopole accordée à certains distributeurs, tarifs douaniers ou interdiction d'exportation, etc.
Par ailleurs, les mecs d'IAM, opposés à toute répression contre les "pirates", ont évoqué ce que eux reçoivent sur le prix d'un CD, c'est à dire ~ 2 euros, et ont proposé comme solution au "piratage" de baisser le prix du CD, alors même que leur part, calculée au pourcentage, baisserait également ! Personnellement, je serais tout à fait prêt à payer même plus aux artistes, on va dire quelque chose comme 3 euros, si ils proposaient leur musique directement à télécharger, et si on savait qu'on aurait à payer que les 2 ou 3 euros pour eux, plus éventuellement 1 ou 2 euros pour l'intermédiaire qui proposerait le téléchargement. Ainsi, l'utilisateur aurait la satisfaction d'encourager l'artiste d'une part, et la garantie d'avoir de la musique de bonne qualité d'autre part. Je pense qu'en effet la plupart des gens sont tout à fait prêts à payer un prix raisonnable pour la musique qu'ils écoutent (sauf bien sûr ceux qui n'auraient pas de quoi payer de toute façon, et ceux là les maisons d'édition peuvent difficilement se plaindre qu'ils leur créeraient un manque à gagner, souvent d'ailleurs qualifié, encore une fois dans un but trompeur, de "perte"), mais il y a un autre facteur qui entre désormais en jeu : les personnes qui ont un Discman achètent en général leurs CDs. Par contre, ceux qui ont un MD ou un player MP3, ne feront de toute manière que copier le CD, qu'ils l'achètent ou qu'ils ne l'achètent pas. Il n'est donc pour eux pas très pratique d'acheter un CD, qui ensuite, une fois copié sur MD ou en MP3, ne leur servira plus à rien. D'où l'aspect hautement pratique d'un téléchargement, qu'il soit gratuit ou payant.
Au lieu de s'en prendre aux utilisateurs de Kazaa et autres, les majors feraient donc bien mieux de proposer leur propre service de téléchargement avec des avantages tels que la qualité de la musique, à un prix attractif, aux utilisateurs. Quant à ceux qui ne disposent pas d'une connexion rapide, pourquoi ne pas installer dans les magasins de CD des bornes de téléchargement, avec le plus de CDs possibles en MP3 sur leur disque dur, et donc avec une variété de choix pouvant être bien plus large que ce qu'on peut, physiquement, trouver dans un magasin, et où l'utilisateur n'aurait qu'à venir, brancher son MP3 player, copier ce qu'il veut depuis le disque dur du magasin, et ensuite payer à la caisse une somme raisonnable ? Si en plus ce genre de système pouvait être enrichi en permanence non seulement avec les titres qui viennent de sortir, mais avec les raretés introuvables, il aurait pour l'utilisateur des avantages incontestables sur un téléchargement gratuit.
Bref, les solutions pratiques auxquelles tout le monde pourrait gagner existent, pourquoi ne pas les mettre en place alors ? Si les coûts d'enforcement reposaient sur les majors plutôt que sur l'Etat, on peut se demander s'ils ne finiraient pas par trouver tout simplement plus rentable de baisser les prix des CDs ou de proposer des solutions adaptées aux nouvelles technologies comme je l'ai suggéré, plutôt que de vouloir faire la guerre à leurs clients, les consommateurs de musique.
Par Turion, sous Ordre, Droit, Français, Pseudo-propriété intellectuelle, le 2003-10-15